couché de soleil avant la nuit

Une ombre blanche dans une étendue tout aussi blanche ...
C'est ce à quoi Ipui faisait penser.
La journée se finissait, le soleil n'allait pas tarder à terminer sa course.
La louve blanche trottinait, s'émerveillant du jeu de lumière que provoquait les rayons du soleil sur la neige .
Des petits pics de givre se plantaient dans ses pattes .
Elle n'y faisait pas attention, ne s'en rendait même pas compte.
Comment pourrait-elle se soucier de quelque chose d'aussi insignifiant dans un endroit pareil ?
Tout son esprit était accaparé par la beauté du site. Une beauté presque irréelle.
Bien sûr, elle était déjà venue ici ...mais jamais à ce moment de la journée .
Une légère brise fit voltiger les flocons de givres, créant ainsi une tornade de lumière étincelante.
Puis ce fut la nuit.
Arrivé si vite qu'Ipui se demanda un instant si elle n'avait pas imaginé ce qu'elle avait vu .
Elle s'assit, savourant la douceur du vent dans ses longs poils blancs.
Ces yeux parcourir l'immensité blanche qui l'entourait ...

Skorg marchait depuis des heures dans une neige mêlée de glace qui lui blessait les pattes. Le soleil, au raz de l'horizon, embrasait le ciel de couleurs vives et chatoyantes, allant du jaune orangé au pourpre sombre en passant par toutes les variations de rouge possibles. Il s'aventurait rarement jusqu'ici sur les terres d'Avana : la dernière fois qu'il était allé du côté de la mer glaciale, c'était pour trouver des bijoux étincelants, provenant d'un quelconque trésor, échoués sur la plage, bien des années auparavant.

Soudain, ses yeux s'agrandirent. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n'était pas seul : une forme blanche se dessinait à l'horizon. Il ne l'avait pas remarquée avant car ses contours immaculés se détachaient à peine sur le paysage recouvert de neige. Il accéléra la marche, parvenant à la limite du trot bien que ses pattes le fissent souffrir de plus en plus. Enfin, il finit par se rapprocher suffisamment pour savoir qui était cette forme blanche.

- Ipui ! s'époumona-t-il tout en se demandant si elle allait se souvenir de lui. C'est moi, Skorg ! Qu'est-ce que tu fais dans un endroit pareil ? Y'a rien ici ! Tu t'es perdue ?

Ipui fut surprise d'entendre quelqu'un l'appeler.
Elle se tourna vers le loup sombre qui s'approchait d'elle en lui demandant pourquoi elle était là.
*Pourquoi suis-je ici ? Très bonne question.* pensa-t-elle
Elle ne se souvenait plus de la raison qui l'avait poussé à s'aventurer sur ces terres glacées.
Se rendant compte qu'elle n'avait pas répondu à ses questions, la louve dit :

"Bonjour Skorg ! Ca faisait longtemps !
Eh bien pour répondre à tes questions, je profitais simplement du magnifique couché de soleil que l'on peut observer d'ici .
Et toi ?? *elle fit un grand sourire* Je ne savais pas que tu appréciais ce genre de chose !"

Heureuse d'avoir un peu de compagnie, Ipui s'approcha à son tour de Skorg, curieuse de savoir les raisons de sa présence en ce lieu.

Le loup noir avanca vers la jeune louve et s'immobilisa. La douleur dans les pattes diminua aussitôt.

- Moi ? je suis vraiment fanatique de ce genre de chose. J'aime bien tout ce qui est paysages, impressions d'éternité dans le néant de la lumière infinie, beauté contemplative des suggestions inconscientes de la matière céleste, tout ça... mais mon vrai truc, en fait, c'est la chasse et la bagarre, huhu. Hum. Mais bon, en général, j'évite de me battre avec les membres de ma propre meute. D'ailleurs, je n'ai pas une position dominante dans la meute. Je suis, disons, au milieu, entre les plus soumis et les plus dominants. Tu vois ce que je veux dire ? Bref, en tout cas, ma fonction est de garder la meute. Je suis garde.

De peur d'avoir effrayé la jeune louve, il tenta un sourire en penchant la tête sur le côté, histoire de détendre l'atmosphère. Mais ce fut un échec : son sourire fut tout sauf engageant. Alors, il abandonna et se mit à se lécher les pattes avant, en mordant de temps à autres la glace irritante figée entre ses doigts pour essayer de s'en débarrasser. Une fois qu'il eut terminé, c'est-à-dire au bout de cinq bonnes minutes, il entreprit de faire la même chose avec ses pattes arrière. Mais il prit soudain conscience qu'Ipui devait commencer à trouver le temps long.

- Et si on allait au bord de l'eau ? Il y a moins de glace. Enfin, j'espère. Et puis, on pourra sûrement admirer le coucher de soleil encore mieux, avec le bruit des vagues et tout...

Je n'étais pas sûre d'avoir compris tous les mots employés par mon interlocuteur mais j'avais au moins saisi le sens général : il aimait les beaux paysage mais surtout la bagarre ! Ce qui, en sois, était tout à fait normal. Après tout la plupart des mâles préfèrent se battre plutôt qu'admirer la beauté de la nature qui nous entoure. Loin de moi l'idée de classer tous les garçons dans le même panier mais il fallait tout de même constater que la beauté et tout ce genre de chose, c'était pas leur truc. Au moins lui il était sensible à tout ca ! J'en étais à là dans mon analyse lorsqu'il proposa d'aller au bord de l'eau. Je ne m'étais même pas rendu compte que le silence s'était installé ! Reprenant mes esprits, je me dis :
*pourquoi pas ? Après tout au moins on se gèlera pas les pattes dans la glace*
je lui répondis donc :
"Allons-y !"
Je me positionnai à côté de lui en lui faisant signe de passer devant, j'avais trop peur de prendre la mauvaise direction pour oser partir en première !

Sur l'invitation d'Ipui, le loup noir partit dans la direction d'où venait le vent : il y avait de grandes chances que ce soit la bonne, mais il n'était pas certain de la distance qu'il faudrait parcourir.

- Je ne sais pas quand on va arriver. On peut y être dans trois minutes comme dans trois heures.

La bise [le vent, pour les non-littéraires ^^ mais y'en a pas beaucoup ici] froide lui faisait un bien fou, ébourriffant son pelage et emplissant ses poumons. Cela avait pour lui une signification particulière : celle de la liberté. Il était si heureux qu'il tenta un hurlement, mais il était plutôt mauvais chanteur, surtout en marchant : son hurlement se mua en une sorte de gémissement de douleur, puis en un toussotement plaintif, et enfin en un grognement caverneux. Ca, par contre, il savait le faire.

Tout-à-coup, la neige céda la place à une immense bande de sable gris foncé, parsemée de gros rochers noirs. Au-delà, il y avait la mer, et un petit morceau du soleil, braise encore rougeoyante qui semblait sur le point d'être engloutie par les flots à tout jamais. Les derniers rayons de l'astre lumineux jouaient dans le pelage d'Ipui, et révélaient dans ses yeux clairs des reflets insoupçonnés. Les ombres augmentaient les contrastes et les volumes, en particulier ceux des rochers. Skorg ne connaissait rien de plus beau que la lumière du couchant.

- Y'a vraiment pas grand-monde en cette saison, hein, ni les autres saisons, d'ailleurs.

Ah oui, il ne pouvait pas s'empêcher de sortir des bêtises à n'importe quelle occasion. Ca ne faisait rire que lui, mais au moins, il était content.

Il partit au galop pour se rapprocher de l'eau. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas vu la mer... une fois qu'il fut assez près pour que les vagues glacées viennent tremper ses pattes, il décida de goûter l'eau, pour voir si elle était aussi salée que la dernière fois. Elle l'était. Ce n'était pas très agréable, d'ailleurs. Désireux de passer à autre chose, il tourna sa large tête en direction d'Ipui et se demanda ce qu'elle projettait de faire.

- Qu'est-ce que tu mijotes, jeune louve ?

Je fus heureuse de constater que je n'étais pas la seule à ne pas trop savoir où on était. Quoique quand on y réfléchit, il y avait encore plus de chance de se perdre si on était tout les deux paumé, très psychologique comme phrase. Je fus ébloui un instant par l'éclat de mon intelligence (pour ceux qui n'avaient pas compris, c'est de l'ironie XD) . Lorsque Skorg poussa son hurlement/gémissement/toussotement, je failli éclater de rire, après tout il n'était pas le seule à être heureux de vivre ! Toutefois, je retins mon rire au cas où il aurait mauvais caractère : je ne tenais pas à m'embrouiller avec lui pour quelque chose d'aussi stupide ! Par la même occasion, je retins aussi le commentaire qui me vint à l'esprit, comme je le disais les loups au mauvais caractère n'aiment pas trop qu'on se moque, bien que gentiment, d'eux. Lorsque j'atteignis la plage de sable gris, mes pattes furent instantanément soulagées. Qu'est ce que ca faisait du bien de marcher dans ces millions de grains de sables !!
- Y'a vraiment pas grand-monde en cette saison, hein, ni les autres saisons, d'ailleurs.
J'éclatai de rire devant la blague du grand loup noir. J'avais tendance à rire pour tout et pour rien qu'en j'étais dans cette état : joyeuse, presque euphorique.
Lorsqu'il parti en galopant vers la plage, je ne le suivit pas tout de suite, attendant de voir ce qu'il allait faire. Je ne fus pas déçu lorsqu'il trempa son museau dans l'eau ! Oubliant son hypothétique mauvais caractère, je laissai cette fois mon rire éclater haut et clair. C'était trop comique ! Lorsqu'il me demanda ce que je mijotais, un air malicieux passa dans mes yeux :
"Tu vas le savoir très bientôt !" Fis-je en m'élançant vers lui
Emportée par mon élan je le bousculai afin qu'il tombe dans l'eau si salée à son gout.Un grand sourire étira mes babines ...

Skorg, ayant tourné la tête vers l'horizon d'un air rêveur, n'avait rien vu venir. Ipui le percuta tel un boulet de canon. Le choc fut d'autant plus brutal qu'il ne s'y attendait pas, et il se retrouva projeté dans l'eau glacée avant même de comprendre ce qui lui arrivait. Et cette fois, il but carrément la tasse. L'eau de mer était décidément beaucoup trop salée à son goût. Il se releva tant bien que mal, déséquilibré par le mouvement des vagues, car l'eau était déjà profonde à cet endroit.

- Ipui, t'as de la chance que je soit de bonne humeur. Tu sais, j'en ai tué d'autres pour moins que ça.

Ce n'était pas du bluff. Un grondement sourd commença à monter des profondeurs de sa poitrine. Mais quelque chose d'autre le gênait, encore plus loin dans ses entrailles.

- Ow... je crois que je vais...

Skorg fut secoué d'un grand soubressaut et vomit tout le contenu de son estomac, à savoir, de l'eau de mer mélangé à de l'acide gastrique, des enzymes, et... un étrange objet doré, assez lourd, qui tomba avec un gros "plouf". Tout son corps fut alors parcouru d'un frisson incontrôlable, et ses poils se dressèrent le long de son échine. Cette chose ne lui inspirait pas confiance. Curieux, il décida de l'amener sur la plage pour mieux l'observer. À regret, il planta son museau dans l'eau et attrapa l'objet. Une fois déposé sur le sable, celui-ci lui semblait encore plus menaçant. Sa forme ressemblait vaguement à celle d'un cœur...

- Les humains font de beaux objets, parfois, mais celui-là ne me dit rien qui vaille. Ne t'inquiète pas, j'ai la situation en patte : je suis expert en artefacts humains. La preuve, j'en porte sur moi. Hmm.

À présent, le loup noir ressemblait plus à un lévrier afghan, avec ses longs poils mouillés et collés par le sel. Prudemment, il approcha son long museau de la chose et se mit à la renifler.

- Hmm. Ca n'a pas d'odeur... bizarre... expérimentons ceci.

Avec sa patte, il commença à tapoter le dessus de l'artefact. D'abord d'une manière hésitante, puis de plus en plus fort...
Tout-à-coup, le fermoir céda et la chose s'ouvrit en deux, libérant une musique forte et cristalline. Skorg fit un bond en arrière qui le catapulta à plusieurs mètres.

oupss !! Il n'avait pas l'air d'avoir apprécié la baignade forcé que je lui avais infligé . Son grondement doucha aussi bien mon enthousiasme que que ma bousculade l'avait fait sur lui . Je pris un air repentis .

"Je suis désolé ... Je ne voulais pas t'énerver ... C'était juste pour rire ..."

Bon ok, les excuse ce n'étaient pas mon truc . Gênée, je me balançais d'une patte à l'autre . Lorsqu'il se mit à vomir dans l'eau, je fus d'abord dégoutée : les odeur n'étaient pas des plus alléchantes . Puis très vite je passais à de la peur : il allait vraiment être énervé contre moi quand il aurait retrouvé son ... "état normal" . Et enfin la curiosité domina mes sentiment lorsqu'un éclair brillant traversa le contenu gastrique de mon ami, enfin, "ami" si il voulait toujours bien m'adresser la parole après ce que je lui avait fait subir .
Revenons-en à cet objet . Je ne le vis que brièvement au début car il coula dès qu'il toucha l'eau . Je me rapprochai et remarquai que Skorg était aussi intrigué que moi pour la simple et bonne raison qu'il fut près à replongé son museau dans l'eau pour pouvoir l'examiner . Il avait l'air aussi un peu ... soucieux . j'attendis qu'il le dépose sur le sable pour mieux l'observer . Lorsqu'il m'assura qu'il connaissait bien les artefacts humains, je ne fus pas tout à fait rassuré mais au moins, lui, il savait quoi faire . Il commença à le humer puis à le tapoter . Lorsque l'objet s'ouvrit et libéra ce son étrange, tous les muscles de mon corps se raidirent . J'étais complètement paralysée . Reprenant mon souffle, un grave grondement menaçant sortit de mon torse . Mes poils se hérissèrent . Mes muscles tétanisés commençaient à trembler . Mais je n'arrivait toujours pas à prendre mes pattes à mon cou bien que l'envie en fut forte . J'étais ... captivée par la mélodie . Un vague souvenir remonta de sa mémoire . Le souvenir d'une louve qui veillait sur moi . Ma mère . Le souvenir de cette nuit atroce où tous ceux que j'aimais, c'est-à-dire mes parent, furent massacré sous mes yeux . Un loup avait actionné un objet pour détourner leur attention . Un objet d'où sortait un son qui les avaient déstabilisé . Un objet qui avait contribué à leur meurtre . Cet objet était peut-être sous mes yeux . Des larmes coulèrent de mes yeux pour s'égarer dans mes poils, incontrôlables .

Skorg vit la louve blanche trembler, tétanisée, puis se mettre à pleurer sans raison apparente. Il détestait voir les autres pleurer, cela le mettait mal à l'aise au lieu de l'inciter à aller les réconforter. Il ne se sentait pas à sa place. Il regarda alternativement la jeune louve et la petite boîte à musique sans parvenir à se décider. Finalement, le rythme de la mélodie ralentit, avant de s'arrêter tout-à-fait. C'est le moment qu'il choisit pour aller vers Ipui. Prenant son courage à deux mains, il décida d'aller lui parler.

- Ben, faut pas pleurer, dit-il d'un ton bourru. Ce n'est qu'un morceau de métal tout bête. Il ne te fera pas de mal.

Ses larmes reprirent de plus belle. Ce n'était apparemment pas la meilleure chose à dire. Perplexe, il détourna le regard vers l'horizon, cherchant une meilleure idée pour lui redonner le moral. À un moment, il lui sembla en trouver une. Il reprit l'objet de métal entre ses dents et le jeta dans les vagues, là d'où il venait.

- Voilà, comme ça, on n'en parle plus. C'est fini.
"Ah, qu'est-ce que ça peut être sentimental, ces femelles", pensa-t-il.

À ce moment précis, un mouvement à peine perceptible retint son attention, sur sa droite. Il observa d'abord la plage, puis les terres où leurs traces, encore visibles, formaient une ligne droite dans la neige. Tout semblait immobile, et pourtant...
Soudain, quelque chose bougea. Il le repéra enfin : un autre loup. Comme le vent venait de la mer, il lui était impossible de sentir son odeur. En tout cas, sa forme ne réveillait en lui aucun souvenir. Sans prévenir, l'inconnu se précipita vers eux au triple galop. Que faire ?
Mais il était trop tard pour réfléchir : en quelques bonds, il les avait déjà atteint. Alors, dès qu'il fut à portée de crocs, Skorg lui sauta à la gorge, mû par un réflexe ancestral. Seulement, la vitesse de course de l'inconnu n'avait d'égale que sa vivacité : d'un saut léger, il évita les crocs acérés du loup noir. Skorg, surpris, fut totalement déstabilisé. Déjà, son adversaire s'apprêtait à bondir à nouveau...

J'errais dans un tourbillon de souvenir, dans un tourbillon de douleur . Les images de mes parents se mélangeaient au sang et à la haine . Cela faisait tant d'année que je m'étais efforcé d'oublier cette nuit-là ...Je pensais finalement y être parvenu lorsque j'avais cessé de me réveiller en sursaut après les cauchemars qui hantaient mes nuits . Mais certaines choses ne peuvent pas s'effacer . Elles reviennent toujours, inlassablement .
- Ben, faut pas pleurer, Ce n'est qu'un morceau de métal tout bête. Il ne te fera pas de mal.
Sa voix lointaine m'effleura à peine . J'étais inaccessible, trop enfoncée dans mes souvenirs atroces . Je pensais ne jamais réussir à m'y échapper . Mais le destin en décida autrement . Je vis une silhouette au loin . Une silhouette qui suffit à éveiller pendant un court instant mon attention . Cela me suffit pour le reconnaitre . Je me réveillai de ma torpeur douloureuse en quelques instants . Une vague de terreur pure me submergea . Mon cœur rata plusieurs battements avant de recommencer à fonctionner .
*Non,non,non, ... ce n'est pas possible !*
Il était revenu, Il allait me tuer cette fois c'était certain . Le meurtrier de mes parents ce mit à courir vers nous . Un éclair de lucidité me traversa : ce n'était pas pour moi qu'il était revenu, c'était pour cette étrange objet . Il ne m'avait certainement pas reconnu . Cela n'empêcha pas la peur de ne pas quitter mon cœur ainsi que tous les membres de mon corps . J'étais complètement pétrifiée . Il y eu un mouvement à ma droite . Un loup noir fondit sur l'être qui hantait mes pires cauchemars . Skorg . Une vérité s'imposa à moi : Mon ami allait se faire tuer si je n'intervenais pas . Il tenta une attaque mais évidemment l'autre esquiva . Il était en position de faiblesse . Une rage sans pareille étouffa l'ensemble de ma peur comme une vague éteint une flamme . Je bondis sur l'objet de toute ma colère . A cause de Lui j'avais vécut dans la peur et la solitude . Les avaniens étaient désormais ma seule famille . Je n'allais pas le laisser à nouveau me priver des êtres chers à mon cœur ! Il esquiva mon attaque malgré l'effet de surprise . Un sourire narquois sur les babines . Je haïssais ce sourire tout comme je haïssais tout ce qui se rattachait à cet être dépourvu d'âme . Un grondement sourd empli ma poitrine, rempli de haine et de colère, reflet exact de se que je ressentais . Mes pensées étaient obnubilées par un seul but : le voir mourir, sentir mes crocs entailler sa chair . Moi qui étais habituellement si pacifique je ne vivais à cet instant que pour le faire souffrir . Souffrir autant que j'avais souffert de la perte de mes parents . Plus rien d'autre n'importait désormais .
Je le sentais déstabilisé par ma rage meurtrière mais ne lui laissais pas le loisir de s'interroger sur mes motivations . Je fonçai sur lui mais mon inexpérience en combat jouait contre moi, je ne fis que l'effleurer . Il s'écarta vivement . Quelques gouttes de son sang gouttaient de sa légère coupure . Il ne sembla même pas le remarquer . Lentement, il se mit en position de combat . Mes muscles étaient tendus comme de l'acier . La scène qui suivit se déroula comme au ralenti . Je le vis distinctement foncer vers moi . Mais il était beaucoup trop rapide . Je ne bougeai même pas une patte avant qu'il ne m'atteigne . La douleur fusa à mon flanc droit ...

Skorg venait tout juste de reprendre ses esprits lorsqu'il vit son amie se faire mordre par l'intrus. Le sang gicla et se répandit sur le sable. Ipui s'écroula, à la fois sous son propre poids et sous celui de son agresseur au pelage gris-brun, qui n'avait apparemment pas l'intention de relâcher son étreinte. La louve lui lança un regard de détresse...
Cela fit au loup noir l'effet d'un électrochoc. Il avait beau ne jamais ressentir de compassion, sa loyauté lui dictait toujours ce qu'il fallait faire, même dans les cas les plus extrêmes. En l'occurrence, il fallait sauver Ipui. Son statut de garde confirmait qu'il ne pouvait en aucun cas laisser tomber un membre de la meute, quoi qu'il arrive, même si l'envie de fuir le tiraillait.
Son expression changea du tout au tout, passant directement de la peur la plus vive à la haine pure. Il retroussa les babines, découvrant ses longs crocs d'un blanc étincelant. [hehe la star ^^].

"Quand faut y aller..."

Et il y alla franchement. L'intrus venait juste de relâcher sa prise lorsque Skorg se jeta de tout son poids sur son dos, attrapant du même coup son échine velue. Ce n'était pas vraiment l'endroit le plus vulnérable, étant donné l'épaisseur de la fourrure, mais la rage aidant, il parvint à atteindre la chair. Son adversaire se dégagea d'un simple coup d'épaules : l'attaque ne l'avait même pas surpris. Le loup noir commença à se demander s'il ressentait la douleur. Après avoir craché le lambeau de chair qu'il avait arraché, il commença à tourner autour de l'inconnu, et celui-ci se mit à faire de même. Mais à peine Skorg eut-il fait quelques pas, que son adversaire s'élança avec sa surprenante rapidité, fit un pas de côté et l'atteignit d'un coup de croc fulgurant à l'épaule, avant de bondir hors de portée. Cela eut le don d'attiser sa colère. Fou de rage, le garde chargea avec la force d'un taureau.

- Ca, mon pauvre, tu vas me le payer ! s'écria-t-il.

Ce fut alors qu'il essuya une deuxième attaque. Il n'avait pas quitté l'intrus des yeux ; pourtant, il n'aurait su dire où il était passé. En une seconde, il avait disparu de son champ de vision et à présent, une solide paire de mâchoires lui avait attrapé une patte arrière. La douleur était insoutenable.

- Tu fais moins le malin, maintenant ! dit l'inconnu entre ses dents. Si tu m'aides à la finir, je te promets de te laisser en vie. Marché conclu ?
- Espèce de...

Il n'aurait pas dû l'insulter : aussitôt, les terribles mâchoires de l'assassin se resserrèrent un tout petit peu plus. Skorg sentit que ses os étaient à la limite de la rupture. À présent, il était vraiment en très mauvaise posture. Il ne pouvait plus rien faire.

Lorsque mon ennemi me planta ses crocs dans le flanc, toutes mes sensations devinrent insignifiante comparées à la douleur . J'avais mal ... très mal ... trop mal . Je m'écroulai sur le flanc, emportée par l'élan du loup . Mes pensées étaient brouillée par la douleur mais l'une d'elle parvenait tout de même à se faire une place dans mon esprit : * je le tuerai * . Animée par ma seule volonté, j'entrepris de faire refluer la douleur, me concentrant uniquement sur le meurtre de cet assassin . Je ne sus jamais si c'était grâce à ce désir brulant ou si la douleur avait finalement diminuée, mais toujours est-il qu'elle devint nettement plus supportable . Ouvrant les yeux, je découvris une horrible scène . Skorg avec une patte prise dans l'étau de la mâchoire de l'autre loup . Rassemblant la force qui me restait, je me levais prudemment, en ménageant mon flanc droit . Je poussai alors un long hurlement de détresse en direction du clan . Si quelqu'un l'entendait, il enverrait des renforts parce que dans notre situation actuelle, il y avait très peu de chance pour que l'on s'en sorte indemne ou même que l'on s'en sorte tout court . Le loup se tourna vers moi sans pour autant lâcher la patte de mon ami . L'indécision me cloua sur place . Si j'attaquais, mon ennemi aurait largement le temps de serrer les mâchoires et de briser la pattes de Skorg . Mais si je ne faisais rien, cela se terminerait exactement pareil . C'est alors que je vis une ombre lointaine derrière eux . Je tentai en vain de l'identifier . A cette distance, je n'étais même pas capable de savoir si c'était un loup . Mon ennemi chercha à son tour à savoir ce qui avait attiré mon attention . Grossière erreur de sa part . Sans attendre, je bondis sur lui, le faisant lâcher la patte de mon compagnon . Nous chutâmes tout deux par terre . Je roulai sur moi-même pour échapper à ses crocs mais mon flan déjà blessé supporta mal cette figure acrobatique . La douleur m'aveugla quelques instants que mon ennemi mis à profit . Il se releva rapidement et s'élança vers moi ...

Skorg vit Ipui se relever avec difficulté, le flanc rouge de sang et les poils collés par le liquide qui s'écoulait inexorablement, goutte après goutte, de la profonde morsure. Il se dit qu'elle devait être animée par un courage extraordinaire, une formidable envie d'en finir. Elle poussa alors un hurlement prolongé qui le fit frémir. C'était un véritable cri de détresse, elle y mettait toute son âme : c'était peut-être le tout dernier hurlement qu'elle pousserait de sa vie, et le dernier que le loup noir aurait jamais l'occasion d'entendre. Cela lui fendait le cœur : il était maintenant prêt à abandonner, à se laisser achever par le tueur. L'existence lui semblait maintenant si futile... c'était comme s'il était déjà mort. Son esprit commença à s'enfoncer dans un tourbillon d'idées noires...
Mais avant qu'il ne soit parvenu au fond de l'abîme de la dépression, quelque chose de surprenant et de trop rapide pour son cerveau saturé de pensées lugubres se produisit. Avec toute l'énergie du désespoir, elle se jeta littéralement sur l'assassin. Il eut à peine le temps de la voir passer au-dessus de lui, tel un ange immaculé volant à son secours à la vitesse de l'éclair, sa large gueule, armée de crocs tout aussi immaculés mais beaucoup moins angéliques, ouverte au maximum. Elle atterrit de tout son poids sur l'étranger, qui lâcha la patte du garde et s'écroula sous le choc. Une fois libéré de ce piège à mâchoires ambulant, Skorg retrouva toutes ses facultés et cessa aussitôt de déprimer, la noirceur cédant la place dans son esprit à une intense jubilation. Ignorant la douleur, il se releva. À partir de ce moment, il n'y avait plus aucun obstacle, plus rien ne pouvait l'empêcher de faire son devoir. Son cœur encaissa alors une accélération qui aurait été mortelle pour tout humain normalement constitué. Sous l'effet de l'excitation, la souffrance de sa patte blessée s'atténua jusqu'à la quasi-disparition.
Son amie avait apparemment épuisé ses toutes dernières forces dans ce saut. Elle évita une morsure fatale in extremis en roulant sur elle-même, après quoi elle s'immobilisa de nouveau. C'était à lui de jouer. S'il n'agissait pas maintenant, leur adversaire mettrait cet instant à profit et gagnerait la partie. Il rassembla ses forces, se prépara à sauter, et au moment où l'ennemi commençait à prendre son élan, il se jeta sur lui de toutes ses forces, toutes dents dehors. Le saut ne dura qu'une fraction de seconde. Cette fois, ses mâchoires se refermèrent directement sur la gorge du loup, et ce avec une telle force que les crocs entamèrent les cervicales. Mais ils ne les brisèrent pas, si bien que l'intrus fut encore en vie pour sentir passer l'étape suivante, qui constituait pour le jeune Skorg à tirer vers l'arrière d'un coup sec et brutal. Cela eut pour effet de finir le travail : ses dents emportèrent tout en même temps, jugulaire, carotide, trachée, muscles. Le sang ainsi libéré jaillit avec force en émettant un léger bruissement ; quelques gouttes atterrirent sur le museau de la louve blanche. Skorg tira encore une fois, et ses longs crocs achevèrent de découper le reste de chair et de peau qui les séparait de l'air libre. C'était gagné.

- Et voilà comment on tranche une gorge dans les règles de l'art. Un assassin de moins, un ! Ipui ?

La jeune louve demeurait inanimée. Elle était apparemment inconsciente, mais Skorg voulut se persuader du contraire.

- Ipui ? Tu m'entends ?

[je me suis fait vraiment plaisir sur ce coup là ^^]

[xD je vois ca !]

Lorsque mon ennemi me regarda, prêt à me sauter dessus, je pu lire dans ses yeux toute l'excitation qui l'étreignait . Il jubilait . Tuer devait être ce pour quoi il vivait . Ma haine n'en fut que plus flamboyante . Cet être était le plus abjecte que je n'avais jamais vu ! Il sembla savourer chaque instant dès lors qu'il se rendit compte que j'étais à sa merci . Bien entendu, tout cela se déroula en quelques fractions de secondes . Un éclair noir passa devant mes yeux . Sur le coup, je ne réalisai pas que Skorg venait une fois de plus de ma sauver la vie, c'était un détail comparé à ce qui suivit . La haine se transforma en soulagement lorsque la vue de mon ennemi pris au piège par les crocs redoutables de mon ami s'imposa à mon esprit . Enfin ! J'allais être enfin débarrassée du fléau qui hantait mes cauchemars ! Ce fut fini en quelques instants . La tête du loup roula par terre . Un grand sourire étira mes babines . Sourire qui se transforma en rictus lorsque la douleur me rattrapa . La haine qui me permettait de restée consciente s'étant finalement dissoute, remplacée par la joie, je n'arrivai plus à empêcher mes paupières de se fermée . Ma tête se fit lourde, et bientôt mes membres se firent mous . Mon corps semblait peser plus d'une tonne . Tandis que je m'écroulai, j'eus une pensée pour Skorg . Si j'étais encore en vie, c'était grâce à lui . Il faudrait que je pense à le remercier chaudement quand je me réveillerai . Si je me réveillai ...
Je m'enfonçais dans un trou noir . Mes pensées semblaient ne pas vouloir se mettre en ordre . Dans tout ce désordre, l'une d'elle fit surface :
*Alors c'est cela mourir ? Je pensais que c'était plus difficile que cela .*
Seule dans l'obscurité, j'étais bien . Des vieux souvenirs défilèrent devant moi . Ma naissance, la première fois que j'ouvris les yeux, mes premiers pas, mes premières expériences ... Vint alors le souvenir du moment le plus terrible ma vie . Je revis mes parents se faire tuer sous mes yeux, leurs meurtriers partir sans remarquer la petite boule de poil blanche cachée quelques mètres plus loin . Je me revis m'approcher des dépouilles de ceux que j'aimais . Je me revis les appeler, les supplier de me répondre . Je sentis à nouveau les larmes couler de mon museau . Je poussais encore ce long hurlement plaintif teinté de tout mon désespoir . Je me revis rester des jours à côté de mes parents, mangeant et buvant seulement le nécessaire pour me maintenir en vie, à attendre, à espérer les voir se lever en me disant en riant que ce n'était qu'une blague . Je ressentis le déchirement qui m'avais étreint lorsque je m'était rendu compte que je devait partir pour survivre . Puis mes souvenirs se remirent à défiler très vite . Les longs mois passé seule, la découverte de la meute d'Avana, leur rencontre, le combat qui m'avait mis dans l'état dans lequel j'étais ... Je me souvins alors de ma dernière pensée : je devais remercier Skorg . Je me souvins alors de toutes ces choses que je devait faire et que je n'expérimenterai jamais si je lâchai prise maintenant et que je me laissais emporter par la mort . Ma volonté me fis remonter les pentes du trou dans lequel j'étais . Lentement et difficilement je revenais vers la vie .

"Ce n'est pas possible, Ipui ne peut pas être morte, pas après tout ce que j'ai fait", pensa Skorg. "En tout cas, elle n'a pas l'air d'aller très bien."
- Réveille-toi, dit-il en la sollicitant d'un petit coup de patte. Allez, reviens !

Que pouvait-il contre la mort ? Après tout, même s'il avait vaincu l'ennemi d'Ipui, il n'était rien de plus qu'un animal fait de chair et d'os. Résigné, il se prépara à lui lécher le visage, mais au moment même où il se penchait vers elle, elle ouvrit les yeux.

- Aw... Ipui, tu me fais peur, des fois. Ne me refais plus jamais ça. Bon, là je sais que c'est parce que tu es gravement blessée, mais c'est pas une excuse. Enfin, si, là, c'est une excuse, mais sinon, c'est pas une excuse.

Il réfléchit avant de reprendre :

- Mmh.. je crois que je me suis un peu emmêlé les pinceaux. Bref. Comment tu te sens ? tu as faim ? soif ? envie de vomir ? les trois en même temps ?

La réponse d'Ipui fut inaudible. Elle était apparemment épuisée. Ce qui était parfaitement compréhensible, avec une blessure pareille.

- Mmh, pour l'instant, tu devrais te reposer et te contenter de respirer.

Pendant tout ce temps, l'autre loup, qu'Ipui avait aperçu un instant auparavant, s'était approché d'un pas plutôt prudent. Il n'était plus qu'à quelques mètres. Sans aucun doute intimidé par la scène de la mise à mort de l'intrus, et par Skorg, au museau encore couvert de sang, son attitude était celle d'un louveteau qui aurait été sévèrement réprimandé par un adulte. Sa fourrure gris sombre contrastait sauvagement avec ses yeux d'un jaune clair tirant sur le vert.

- Toi, tu as quelque chose à te reprocher, fit le loup noir d'un air méfiant. Je ne t'ai jamais vu. Es-tu un traître à la solde des Cien ?

Le soleil s'était couché depuis longtemps maintenant. Lentement mais sûrement, le vent commençait à se lever et les étoiles disparaissaient les unes après les autres derrière un rideau de nuages. Le pire était à craindre : s'ils étaient pris dans une tempête, ça n'arrangerait pas les choses, c'est le moins que l'on eût pu dire.

Lorsque j'ouvris les yeux, je crus un instant que j'allais faire une crise cardiaque ce qui serai totalement stupide après tous les efforts que j'avais fait pour rester en vie . Un museau dégoulinant de sang se tenait à seulement quelques centimètres de ma tête ! Affolée, je tentai de reculer mais mes muscles épuisés de voulaient pas bouger . La panique approchait lorsque je remarquai que c'était Skorg . Je me sentis un peu bête sur le coup ... bon d'accord, très bête ! mais il faut dire que les circonstances prêtaient à confusion . Lorsqu'il prit la parole, mon esprit déjà embrumé fut incapable de suivre le cours de ses paroles . J'avais vaguement entendu le mot "excuse" mais après ... va savoir ce qu'il disait ! Alors que je tentais vainement de donner un sens à tout ce charabia, il me demanda si j'avais faim, soif ou envie de dormir . Cette fois j'avais compris ! Je tentai de le rassurer en lui affirmant que tout allait bien, ce qui n'était pas totalement vrai compte tenu de la souffrance qui émanait de ma blessure . Malheureusement, le seul son qui sortit de ma gueule fut un malheureux petit couinement à peine audible . Vive la communication ! Bref, il me conseilla de me reposer . *Très bonne idée ca* . Toutefois, j'évitai de refermer les yeux de peur de ne plus jamais les rouvrir . J'avais entendu une histoire à ce propos, un loup qui s'était endormi dans le froid et qui ne s'était plus jamais réveillé ... Bon, dans mon cas il ne faisait pas vraiment froid mais je préférais tout de même éviter de prendre des risques . On ne sait jamais ! Et puis, il ne faisait pas si chaud que cela d'ailleurs . J'avais plutôt l'impression qu'un orage se préparait . Il fallait que l'on parte vite se mettre à l'abri ! Je n'avais pas envie de sentir le chien mouillé ! Je me rendis compte que sentir mauvais était le cadet de mes soucis sachant que j'avais une blessure d'où sortait une quantité assez impressionnante de sang . Mon esprit divaguait . Il devenait urgent que je vois un médecin !

[va falloir qu'un guérisseur/guérisseuse nous rejoigne ^^]

Skorg entendit la louve gémir à côté de lui, et cela le décida à prendre les choses en patte [vu qu'il a pas de mains].

- Tu ferais mieux de t'en aller, toi, dit-il au nouvel arrivant en lui jetant un regard féroce.
Ce qu'il fit sans demander son reste.

- Bon j'en étais où moi... ah oui voilà. Ipui, il faut vraiment y aller maintenant, je vais t'emmener voir un guérisseur. Accroche-toi, ça va pas être une partie de plaisir.

Il s'approcha lentement, et prenant mille précautions, passa le museau sous le ventre de la louve. Heureusement, le sang s'arrêtait peu à peu de couler : la blessure n'était pas assez profonde pour provoquer une hémorragie fatale. Cependant, les crocs de l'assaillant, qui continuait de se vider de son sang comme un porc, avaient creusé de belles entailles dans la chair.
Une fois que Skorg eut réussi à faire passer sa tête sous l'une des pattes avant de la blessée, il commença à la soulever. Ipui n'était pas trop lourde ; en tout cas, elle était plus légère que lui. Centimètre par centimètre, il se leva jusqu'à être complètement debout, de manière à ce qu'elle puisse s'appuyer sur son encolure. Brusquement, le vent se leva et la neige commença à tomber, doucement d'abord, puis de plus en plus fort. S'ils restaient, Ipui ne survivrait pas, sans parler du risque de rencontrer d'autres ennemis que le tueur, et même pire encore.

- Grmblbl. J'aime pas les tempêtes de neige. On va y aller. Tu es prête ?

[petit problème : on a pas de guérisseur ]

C'était de plus en plus dur pour moi de garder les yeux ouverts . En fait ma seule envie en cet instant c'était les fermer et de ne plus ressentir la douleur, d'abandonner et de mourir . Mais il y avait une pensée qui me maintenait éveillée : je ne pouvais pas finir ma vie comme ça ! J'essayais de me changer les idées en détaillant ce que faisait Skorg à côté de moi . Je me rendis alors compte qu'il y avait un autre loup inconnu . La peur glaça mon sang dans mes veines . Ou du moins jusqu'à ce que Skorg lui dise quelque chose que mon esprit ne parvint pas à décrypter et que l'étranger parte sans se retourner . En même temps c'est vrai que Skorg faisait plutôt peur avec son museau barbouillé de sang, son poil en pétard, son regard féroce et, accessoirement, la tête de mon ancien pire cauchemar qui roulait à ses pattes . Je vis mon ami s'approcher de moi puis se pencher pour mettre son museau sous mon ventre . Je dois avouer que sur le coup je ne compris pas vraiment l'intérêt de la chose mais on va aussi mettre cela sur le compte du manque de sang pour irriguer mon cerveau . En fait ma seule pensée fut : * Mais qu'est-ce qu'il fout !?!*
Je n'eus pas vraiment le temps de m'attarder sur le sujet avant qu'il ne me hisse sur ses épaules ce qui en soit était une bonne idée à un petit détail prêt : Ca faisait un mal de chien ! J'avais l'impression que ma blessure s'était enflammer, sauf que je n'avais pas chaud et que la douleur était pire qu'une brulure . Mon calvaire sembla durer plusieurs heures alors qu'en fait, il lui avait fallu à peine quelques minutes pour réaliser ce mouvement . Dès que je fus en place, le soulagement remplaça toutes les horribles sensations que j'avais ressenties juste avant .Pour m'avoir hisser sur son dos avec délicatesse et non brutalement, ce qui m'aurait surement fait tomber dans les pommes, ma reconnaissance envers Skorg était sans limites . Enfin disons seulement que je ne lui en voulait pas trop de m'avoir fait souffrir le calvaire .
Il me demanda alors si j'étais prête . Si il y avait une chose que je n'étais pas c'était prête ! Mais c'était tout de même gentil de poser la question . Ma seule réponse fut un petit grognement qui se voulait rassurant mais qui en fait ressemblait plutôt au grognement plaintif d'une louve qui avait la moitié du flan déchiré et qui se préparait psychologiquement à devoir enduré des souffrances indescriptibles sur le dos de son ami qui allait, lui, devoir supporté son poid et marcher jusqu'au clan pour trouver un guérisseur . Tout allait bien dans le meilleur des mondes !!

Skorg ne s'était pas trompé : c'était bien une tempête de neige qui allait leur tomber dessus. le vent forcissait de seconde en seconde, la neige tombait de plus en plus dru, formant un rideau blanc qui l'empêchait de voir beaucoup plus loin que le bout de son museau.

"Il n'y a rien de pire que ça", pensa-t-il. "Enfin, si : Ipui. Quelle catastrophe ambulante, celle-là... et puis faut que je me la trimbale tout le trajet ! pffff... enfin, allons-y".
Il posa sa patte avant droite sur le sable déjà recouvert d'une fine couche de neige devant lui, et s'ébranla avec difficulté. Elle avait beau être plus légère que lui, elle pesait tout de même son poids. Il l'entendit gémir.

- Courage, Ipui ! Pense à ce qui t'attends à l'arrivée. On va retrouver les nôtres et on va faire la fête. Et puis je chasserai pour toi jusqu'à ton rétablissement. Et je n'aurai aucune pitié pour ceux qui auraient le malheur de toucher à un seul de tes poils, tu peux en être sûre. Sinon, il se pourrait bien qu'ils se retrouvent avec le crâne broyé, les cervicales écrasées ou les tripes par terre. Voire les trois à la fois.

Lentement mais sûrement, ils gravirent la longue pente qui les séparaient de la plaine enneigée.
"Au moins, il n'y a plus à grimper de côte à partir de maintenant", se dit le loup.

Mais il avait pensé trop vite. Non seulement certaines collines étaient particulièrement pentues, mais en plus, elles étaient parfois entourées de profondes congères qu'il n'avait pas remarqué à l'aller, dans lesquelles il s'enfonçait d'autant plus que ses pattes supportaient le poids des deux loups l'un sur l'autre.
Il faisait vraiment nuit, à présent. Le vent glacial chargé de fines particules de glace agitait ses longs poils en tous sens, mais il n'en sentait pas la morsure. Par contre, Ipui devait la sentir, et bien, même. Si seulement il pouvait aller un peu plus vite... la magie aurait constitué une aide précieuse, mais il n'était pas sûr que ça marcherait, et de toute façon, il ne pouvait rien faire avec son amie sur le dos. Mais cela n'avait aucune importance, après tout. Ils arriveraient bien à destination à un moment donné.
À présent, il ne voyait plus rien que du blanc, partout, absolument partout. De plus, le vent tourbillonnait, donc il n'avait aucun moyen de s'y retrouver, à part son sixième sens. Il crut s'être perdu un nombre incalculable de fois, et pourtant...
Il crut percevoir un son. Peut-être n'était-ce que l'effet du vent malicieux qui jouait dans les collines blanches, peut-être l'avait-il rêvé... mais il l'entendit encore et encore. Un magnifique hurlement, celui d'un loup qui appartenait à la meute des Avaniens ! Cette fois, il en était certain : il avait réussi. Epuisé, la langue pendante, il aspira l'air à pleins poumons, rejeta la tête en arrière et se mit à hurler à son tour.